Arrête, Mélitta, qui cours dans ton matin
Et dont le pied nerveux foule l’herbe et le thym
Plus prompt qu’aux jours de l’août la rouge sauterelle.
Crois-tu que dans sa fleur la rose est éternelle
Et que le bras poli dont l’anse sur ton front
Maintient par sa fantaisie un brin de liseron
Conservera sa nacre où vit l’ardeur des veines ?
Que fais-tu dès l’aurore à couper des verveines, (…)
Ne m’as-tu jamais vue au détour d’un chemin
Compter les osselets clapotants de mes mains
Dans un rire infini qui monte jusqu’aux tempes ? (…)
Touche mon grand squelette et sens comme il est froid,
Sonde mes yeux de nuit dans le trou des orbites,
Vois mon crâne évidé que râpent les termites,
Mon livide thorax où l’horreur se fait jour ;
Vois ce bassin osseux qui balança l’amour.
J’eus des chairs comme toi, des seins, un cœur avide,
Et je branle sur pied ainsi qu’un chaume vide.
Folâtre Mélitta qui cours dans ton matin,
Ni les baisers du sang âpres comme le thym,
Ni l’extase de l’âme où la tendresse pleure,
Ni l’été ni l’espoir ne retardent mon heure.
Je viens te rappeler la dette du tombeau,
Arrête : ton squelette est sculpté sous ta peau.